Basket la nouvelle vie d’une légendeHervé Dubuisson : « Je suis un mi-sportif »
Hervé Dubuisson, « le plus bel attaquant jamais vu dans le basket français » d’après Jacques Monclar (à droite), est « surtout un miraculé ». « Comme dans ma carrière, je suis toujours tombé au bon endroit finalement », dit-il avec humour. Photo MAXPPP
Légende du basket français et ancien entraîneur du SLUC Nancy, Hervé Dubuisson a vu sa carrière interrompue par un grave accident. Il raconte sa nouvelle vie.
Que devenez-vous, Dub ? « Je travaille pour le ministère des Sports à Saint-Laurent-du-Var, près de chez moi. Je gère tout ce qui concerne les diplômes sportifs de l’Etat et je suis aussi référent handicap pour les brevets d’accessibilité. Je reste dans ma branche, le sport, et je fais plein de choses différentes. »
• Etes-vous heureux ? « Complètement. Je suis plus reposé mentalement et je suis surtout un miraculé. Comme dans ma carrière, je suis toujours tombé au bon endroit finalement. »
• Trouvez-vous encore le temps de taper le ballon ? « Oui mais je suis un mi-sportif maintenant. Je joue souvent avec les anciens internationaux et j’ai encore gagné le tournoi d’Antibes cette année. C’était avec ma femme (Madlena Staneva). Par contre, dans notre petit match à nous, je suis toujours en retard. Elle a plus de 350 sélections en équipe de Bulgarie et moi seulement 254 avec les Bleus. Je lui dois bien la vaisselle. »
• Physiquement, comment vous portez-vous ? « Je fatigue beaucoup plus vite aujourd’hui. Suite à mon accident, j’ai été reconnu cotorep à 90 %. »
• Quels souvenirs avez-vous de cet événement ? « Au début, rien, le black-out total. J’ai eu une perte immédiate de la mémoire, je ne me souvenais plus du tout des sept ans qui ont précédé l’accident. On me les a racontés et j’ai beaucoup lu depuis pour refaire mon retard. J’ai aussi suivi cinq années de rééducation, avec des kinés, des psys… Heureusement que j’étais un athlète de haut niveau. Je ne me suis pas laissé aller, sauf les deux premières années. Je déprimais grave. Quand j’ai appris que je ne pourrais plus jamais entraîner, j’ai perdu complètement confiance. C’était toute ma vie. »
• Le chauffard n’a jamais été retrouvé… « Un procès a eu lieu voici quatre ans. Il y avait des témoins mais pas assez de preuves, le dossier a été refermé et j’ai été indemnisé par un fonds de garantie. Je ne saurai jamais comment ça s’est passé. J’étais heureux d’être en vie mais le plus dur, c’est d’accepter de ne plus faire son métier, d’autant qu’on venait de se qualifier pour la Coupe d’Europe avec Nancy. J’avais fait l’équipe avant d’aller au Final four et il y a eu cet accident. Mon adjoint Sylvain Lautié a repris l’équipe et il a gagné la Coupe Korac… »
• Quel entraîneur étiez-vous ? « Je m’emportais beaucoup. Déjà, joueur, je disais des choses qui étaient mal perçues mais comme je pouvais les faire, je pensais qu’elles étaient évidentes pour tout le monde. Je ne regrette qu’une chose : être parti à Antibes après mes débuts à Montpellier. On m’a coupé au bout d’un an. Je crois que j’ai fait une connerie. »
« Petit prince »
• Considérez-vous le joueur Dubuisson comme un précurseur ? « Oui dans le sens où j’ai été le premier Français contacté par la NBA. Les New Jersey Nets m’avaient fait venir mais ils ne pouvaient pas me garantir un contrat avant le début de la saison et comme j’étais lié à Paris, je ne suis pas resté. »
• Sans regrets ? « Aucun. »
• Vous souvenez-vous de votre premier match professionnel ? « Bien sûr. J’avais quinze ans et demi et c’était un match de Coupe d’Europe avec Denain, contre Charleroi. Je ne me souviens plus de mes stats mais je sais que j’habitais à l’hôtel. J’allais souvent au bar le Lutecia, le rendez-vous du basket. On m’avait adopté comme un petit prince et j’étais fier dans mon lycée. »
• Quel était votre principal atout ? « J’étais très adroit, c’était ma chance. Et je n’ai jamais douté, j’étais à la limite de l’inconscience. Rien ne m’était impossible. »
• Que pensez-vous du basket en 2010 ? « Il a évolué physiquement, athlétiquement, mais il me déçoit car il y a de moins en moins de Français dans notre championnat. En mon temps, c’était la camaraderie. Maintenant, c’est le business et les équipes de mercenaires. »
• Question subsidiaire : vous marquez toujours vos paniers assis depuis le milieu de terrain ? « Oui, toujours. Je l’ai même fait avec un fauteuil roulant. »
Christian JOUGLEUX.
Publié le 02/06/2010
http://www.republicain-lorrain.fr/fr/sport/article/3237975/Herve-Dubuisson-Je-suis-un-mi-sportif.html